Offrons une nouvelle hôtellerie

à l'abbaye d'Ourscamp 

« Notre client, c’est aussi le patrimoine ! »

Entretien avec Jean de Limerville, Directeur taille de pierre sur le chantier ...

Quelle est la particularité du chantier de l’aile de Lorraine ?

C’est un chantier magnifique sur lequel nous réalisons le gros-œuvre en béton, la charpente métallique et la taille de pierre. Il s’agit d’un chantier sur un monument historique datant du XVIIème siècle donc sur un chantier comme celui-ci notre premier client, après la congrégation, c’est le patrimoine ! L’architecte est le garant sur place de notre respect du patrimoine sur beaucoup d’éléments : l’analyse des joints de l’époque, le type de couverture, les menuiseries … La ligne directrice c’est comment faire de ce bâtiment un établissement recevant du public tout en respectant à 100% les éléments de patrimoine. Par exemple, vous avez des éclats d’obus à l’intérieur du bâtiment, on voit des gerbes d’éclat et la direction de la mitraille. Il va falloir le conserver car c’est prioritaire sur l’état des pierres. On va devoir trouver un moyen de consolider sans l’enlever car c’est une trace de l’histoire du bâtiment !

Où en est l’avancement des travaux ?

On a commencé le chantier en janvier 2022 avec l’installation des échafaudages puis il y a eu une grosse phase de démolition. Ensuite pour l’intérieur, le gros-œuvre et l’installation de la charpente métallique. A l’extérieur on a commencé par la rénovation des façades pour la préparation des fenêtres. Maintenant l’important c’est le clos et le couvert pour fermer le bâtiment à l’eau et à l’air avec la pose du toit en cuivre qui est terminée et l’installation des huisseries au printemps. Ensuite nous allons finaliser tous les travaux de gros-œuvre intérieurs comme les murs de refends, les ouvertures pour ensuite donner la place au corps secondaire et de notre côté finir par les pierres apparentes de la façade.

Comment est composée votre équipe ?

Ce sont des gens extraordinaires ! Dans l’équipe de taille de pierre on est 35 dans l’entreprise et on est entre 4 et 10 salariés sur le chantier avec les aides-maçons issus du chantier d’insertion qui complètent les équipes. A l’atelier on a aussi l’appareilleur qui fait les plans, un débiteur qui coupe les blocs et puis les tailleurs de pierre et sculpteurs.

Comment intégrez-vous les personnes du chantier d’insertion ?

Ça marche très bien, on a fait déjà plus de la moitié de notre objectif d’heures d’insertion ! Mais pour nous ce n’est pas juste remplir un objectif d’heures, c’est une belle formation que nous offrons.  Sur un chantier comme celui-ci on a besoin de profils qualifiés mais on a aussi de gens qui connaissent bien le site pour y avoir déjà travaillé, qui l’aiment et qui seront aides-maçons. On fonctionne beaucoup en binôme entre le compagnon et la personne en formation. Ces personnes, éloignées de l’emploi, repartent avec une formation d’un an voire deux ans sur un chantier historique qui leur permettra ensuite de trouver du travail.

Vous avez aussi une charte environnementale à respecter ?

Oui tout à fait c’est très important pour nous ! Il s’agit déjà de vérifier que les modes opératoires sur le chantier sont adéquats : relevés de consommation mensuelle, récupération de l’eau du toit pour réutilisation, bac de rétention des produits etc. Mais c’est aussi respecter le site en travaillant sans musique pour respecter le silence monastique par exemple.

Vous avez aussi un objectif important de récupération des matériaux ?

En effet, nous avons réemployé énormément de matériaux, récupérés notamment au moment des démolitions. Par exemple toute l’ancienne toiture a été réutilisée par un agriculteur pour faire un hangar et on réutilise aussi beaucoup de bois de charpente sur le chantier. Enfin, pour la rénovation de la façade ouest, 50% des pierres utilisées sont récupérées sur le site de l’abbaye, c’est-à-dire que sur 300 pierres près de 150 seront des pierres réutilisées.

D’où viennent les autres pierres du chantier ?

On a la chance d’avoir encore des carrières qui extraient des pierres d’origine comme la pierre de Bonneuil-en-Valois et de Saint Maximin dans l’Oise. On achète de très gros blocs qui font 10 tonnes et on recoupe nos pierres à mesure. On travaille avec des pierres qui sont soit identiques à celles utilisées il y a 400 ans ou qui ont des qualités très proches. On travaille beaucoup en termes de teinte, de granulométrie, de propriétés de pierre pour correspondre exactement à ce qui a été construit !

Comment travaillez-vous la taille de pierre sur le chantier ?

Il y a deux choses qui vont guider le choix d’une pierre c’est bien évidemment sa taille mais aussi son utilisation sur la façade selon sa dureté et sa qualité, nos gars savent d’expérience où elle doit se placer. Une des particularités du chantier d’Ourscamp c’est qu’on va beaucoup tailler sur place plus qu’en atelier. Par exemple on va enlever une partie moulurée qui était dégradée puis on va poser un nouveau bloc de bonne mesure. Ensuite il faut l’étayer et rejoindre la moulure de gauche et celle de droite existante sur place. C’est ce qu’on appelle des greffes massives pour réharmoniser les lignes d’architecture c’est-à-dire tout ce qui dessine le bâtiment : les encadrements de baie, les corniches, les arrêtes des chaines d’angle. Ce sont les menuiseries et leurs encadrements qui donne cet aspect classique à la façade de l’aile de Lorraine.